Responsable de l’équipe « Réseaux, Innovation et Nouvelles technologies », Carolina Tomaz nous reçoit dans la showroom de TF1. Un choix pertinent. La showroom, c’est un outil de communication. On y reçoit annonceurs et collaborateurs. C’est une véritable caverne d’Ali Baba axée nouvelles technologies. On y trouve une partie salon, tapissée d’écrans que vous ne verrez pas sur le marché avant une demi-dizaine d’années. Sur les meubles, une palette de box impressionnante permettant de garder un œil sur toutes les technologies proposées sur le marché tout en y adaptant les interfaces proposées par la chaîne. Dans la partie mobilité, on s’intéresse aux portables et autres tablettes tactiles. Puis vient la partie PC, sans oublier évidement le « Green corner ». La salle est donc largement équipée pour faire du monitoring.
Il faut dire que les défis sont nombreux. Avec le passage au numérique, il a fallu faire face à la concurrence de nouvelles chaînes. Auxquelles s’ajoutent aujourd’hui les pure players, « médias alternatifs » diffusées uniquement sur internet et donc non soumis au regard du CSA.
Autres axes de réflexion: la 3D, la télévision « over the top » (délivrée par une box), la HD et la THD (Très Haute Définition). Il faut penser les nouveaux usages qui accompagnent ces révolutions technologiques. Concrètement, cela aboutit à de nouvelles applications, et à plus d’interactivité. Et évidemment, il est nécessaire pour cela de veiller à l’évolution du site tf1.fr, géré par e-tf1.
Cela dit, les perspectives d’innovation dans l’audiovisuel ne sont pas infinies. TF1 fait partie des médias de masse. Ce que veuillent les annonceurs, c’est du public. D’où l’importance de rester pragmatique: « Il ne faut pas tuer son business, même si on tient l’innovation du siècle ». Un exemple concret: impensable de mettre fin au broadcasting linéaire, même si beaucoup d’entre nous aiment choisir quand regarder leurs programmes. Une expérience américaine a effet prouvé que le public préférait allumer son poste de télévision sans devoir se composer une playlist de programmes. Derrière chaque innovation, il faut qu’il y ai une promesse pour le téléspectateur, un plus non négligeable afin qu’il accepte de changer ses habitudes. Parce qu’au final, on peut difficilement imposer des usages, c’est plutôt les usages qui s’imposent. D’où l’importance dans les équipes travaillant sur l’innovation de brasser les profils: il faut à la fois des ingénieurs et des managers pour avoir une bonne analyse des marchés en plus des compétences techniques.
Mais travailler dans l’innovation reste avant tout un plaisir: « A la base, c’est quand même enthousiasmant! ». Même si on a rarement la chance de suivre un projet de A à Z. Et surtout, il ne faut pas se décourager facilement. On peut travailler d’arrache-pied pendant longtemps sur un projet qui finalement n’aboutira pas. Dans certains secteurs comme l’industrie pharmaceutique, cette période de travail « perdue » peut se chiffrer en années. Chez TF1, c’est bien moins. Mme Tomaz nous évoque brièvement, à titre d’exemple, un mystérieux projet « de jeu » qui lui tenait à cœur mais qui n’a pas vu le jour. Mais chut, pas plus de commentaires, au cas où le projet renaîtrait de ses cendres…
Ce qui soulève la question de l’espionnage industriel. Chez TF1, on ne déploie pas de nouvelles technologies spectaculaires ayant nécessité des années de recherche. Pas le genre d’innovation pour lesquelles on dépose des brevets. Il faut néanmoins avoir « un minimum de bon sens », et éviter de parler trop. Et puis on passe quelques accords tout de même, dont un avec Samsung par exemple. Un partenariat industriel placé sous le sceau d’un NDA: Non-Disclosure Agreement. Mais on reste philosophe: la copie est inévitable. Pour reprendre une phrase de Patrice Le Lay, ancien PDG du groupe: « ce n’est pas important d’être le premier, ce qui compte, c’est d’être le plus pertinent. ».
Interview: Aurore Ombredane, Mohamed Berrada, Raphaël Bert, Sophie Buda Rédaction: Sophie Buda