En 2006, la Freebox v5 faisait son apparition sur le marché et initiait de nouvelles fonctionnalités pour un boîtier réseau. Le 14 décembre 2010, Xavier Niel a présenté la version 6 de la Freebox : la Freebox « Revolution » (v6). Cinq années ont été mises à profit pour atteindre cette fois-ci encore une solution innovante. Innovante en quoi ? Et surtout comment ? Nous avons rencontré Florian Fainelli, développeur chez Freebox depuis 2009 et ancien élève de Télécom SudParis pour qu’il nous explique les processus mis en jeu avec la sortie de la nouvelle Freebox.
Comment conçoit-on une Freebox « Revolution » ?
Le cycle de conception de la Freebox v6, depuis la réflexion sur les fonctionnalités jusqu’à sa mise en fonction chez les clients de Free a duré entre quatre et cinq ans. Fin 2007, un an et demi après la sortie de la Freebox 5, le travail autour de la conception de la prochaine Freebox était déjà à l’œuvre. L’objectif ? Déterminer quelles nouvelles fonctionnalités allaient être intégrées au prochain produit. Il s’agit d’une phase d’étude et d’anticipation des nouveautés technologiques, non seulement pour faire évoluer le produit mais surtout pour garder une longueur d’avance sur le marché des années à venir. Le choix des composants est primordial : leurs performances et leurs capacités doivent permettre de poursuivre la phase de développement de nouvelles fonctionnalités durant les deux années suivant la mise en service de la Freebox.
La conception de la Freebox v6 a visé à proposer de nouvelles fonctionnalités sur le boîtier multimédia connecté à la télévision ( Freebox Player ). L’enjeu technique majeur a donc été de s’affranchir des limites liées au décodeur télé en choisissant un processeur avec une capacité suffisante.
En 2009, la Freebox s’était vue divisée en deux boîtiers distincts : le premier réservé à l’accès internet et à la téléphonie ( la Feebox v5 en tant que telle ), le second boîtier ( Freebox HD ) conçu pour les fonctionnalités multimédia ( télévision, tuner TNT, sorties vidéo, disque dur de 40 Go… ). Les deux boîtiers étaient reliés par Wi-Fi ou par Ethernet. La Freebox v6 garde cette composition entre le Freebox Server ( réseaux ) et le Freebox Player ( boîtier multimédia ). Plus « visible », c’est sur la Freebox Player que se concentre la majorité des innovations.
En 2009, un prototype quasi-définitif est disponible : la phase de développement à proprement parler peut commencer. Cette phase a un double objectif : apporter les nouvelles fonctionnalités tout en gardant les services déjà existants compatibles avec le nouveau matériel. Car il est nécessaire que la jonction entre l’ancienne et la nouvelle Freebox soit assurée : un client qui reçoit la nouvelle Freebox v6 doit pouvoir retrouver les mêmes services que sur les anciens boîtiers.
Une première phase de test en utilisation est réalisée avant la sortie de la Freebox. Le nombre des testeurs n’est pas significatif. Freebox est une petite entreprise d’une trentaine de personnes : les premiers testeurs sont les développeurs, des membres du management et de la direction d’Iliad. Le premier niveau de bugs qui en remonte est corrigé avant la sortie de la box, mais la période de stabilisation durera entre quatre et cinq mois après la sortie.
Passage obligé après la sortie d’un nouveau produit : la période de traque des bugs. Ce sont des clients eux-mêmes qui ont mis en place un bugtracker qu’ils tiennent régulièrement à jour ( http://bugs.freeplayer.org/ ) pour reporter les problèmes rencontrés sur la Freebox. Les développeurs se servent de ces rapports de bugs comme base et définissent les priorités. Lorsque qu’un problème s’avère être réel, il est traité puis quelques explications sont éventuellement données sur la nature du bug. Un bug de plus grande envergure sera résolu dans une nouvelle version du firmware. Certains bugs sont traités de manière prioritaire : en particulier la téléphonie, l’accès internet et la télévision, les services principaux de la Freebox qui doivent être fonctionnels.
Bilan après la sortie et la remontée de bugs des clients des premiers mois : la Freebox v6 n’était pas tout à fait iso-fonctionnelle avec la Freebox v5. Certains problèmes et certaines absences de services étaient dus à un manque de temps avant la sortie de le Freebox, d’autres à des choix technologiques. Ainsi l’infrarouge pour les télécommandes n’était pas géré. La gestion des sous-titres ou certaines résolutions vidéo a également posé problème.
Des innovations pour quel objectif ?
Au rendez-vous de la Freebox Révolution, des innovations technologiques présentes dans les deux boîtiers: un lecteur Blu-Ray inclus au Player, un accès à internet et aux mails depuis le téléviseur, un disque dur de 250 Go, un switch 1 Gbits/s, etc. La Freebox fournit bien plus qu’un simple accès à Internet.
Les fonctionnalités sont diverses, parfois assez techniques, quitte à prendre le risque de ne s’adresser qu’à un cercle restreint d’utilisateurs. Selon Florian Fainelli, développeur chez Freebox, il s’agit d’une question récurrente. « Ce qui m’a bien séduit [dans la Freebox v6], c’est le fait de mettre un disque dur sur le boitier Freebox Server qui reste connecté tout le temps 24h/24.[…] Cela permet de faire pas mal de choses sympas, de partager des fichiers, etc.[…] Après, j’ai bien conscience que c’est une fonctionnalité plutôt « geek » car que tout le monde n’a pas cette utilité-là. ». Freebox se prononce en choisissant de proposer le maximum de fonctionnalités pour tous les utilisateurs. La stratégie derrière ces innovations multipliées est simple : faire une offre unique pour tout le monde et proposer « plus » pour encourager une évolution des habitudes des clients.
Cette politique d’offre unique présente d’autres avantages pour l’entreprise. Le fait de proposer le même modèle de Freebox à tous ses clients lui permet de prévoir un volume plus important de Freebox à la distribution et de négocier plus aisément les prix du matériel et des composants à la construction. Après le lancement du produit, une offre unique est également plus facile à gérer que des offres multiples.
Au-delà des fonctionnalités « geek », la Freebox v6 a pour objectif de rassembler les ressources en local ( données, jeux… ). « L’idée c’est d’essayer de rapprocher un peu plus de choses au niveau du foyer. Cela va un peu l’encontre de toutes les pratiques d’internet qui consiste à faire du cloud, à mettre beaucoup de choses sur Internet et très peu chez soi. » . La mutualisation des ressources sur Internet implique d’être connecté en permanence pour accéder à ses données en ligne. Ce qui peut s’avérer problématique en cas de coupure d’Internet.
Le monde du libre et Free
Un autre aspect du développement de la Freebox est l’utilisation de logiciels libres. Pour une petite équipe limitée en ressources ( temps/hommes ), l’utilisation de logiciels déjà existants et libre d’utilisation est un gain important. Les développeurs ne sont cependant pas de simples consommateurs : des patchs remontent régulièrement à la communauté et aux auteurs des logiciels. « On essaye de contribuer à tout ce qu’on voudrait que les gens puissent utiliser, parce que l’on considère que c’est le minium de base et qu’en faisant ça on n’expose pas trop notre valeur ajoutée. […] Sachant qu’il y a des choses que l’on veut garder parce qu’on considère qu’il y a de la valeur, mais sans que cela rentre en conflit avec les licences. Et il y a d’autres choses où là par contre, on considère que cela n’a strictement aucun intérêt, qu’on le laisse dans notre coin et que l’on fait évoluer au fur et à mesure que les années passent. »
Ces dernières années, Freebox a cependant été poursuivi par la Free Software Foundation (FSF) pour un non-respect de certaines licences libres. Pour la conception de la Freebox v6, une attention particulière a été apportée pour choisir des licences compatibles avec le modèle de la distribution de la Freebox et les accords en négociation avec la FSF. Une liste des logiciels libres utilisés est désormais disponible. Un certain nombre de développeurs contribuent à des projets Open Source pendant leur temps libre.
D’autres contraintes encouragent le développement de solutions techniques, comme la consommation énergétique des boîtiers de la Freebox. Suivant les recommandations d’une directive européenne l’ensemble de la Freebox Player et du Freeplug consomme moins de 1 Watt. Deux niveaux de veille sont disponibles pour le décodeur télé ( une veille active pour entrer/sortir de veille rapidement, et une veille plus profonde qui nécessite un redémarrage complet du boîtier ).
Maîtriser la consommation en énergie des boîtiers permet une meilleure gestion globale des systèmes. Cependant, certaines contraintes restent rédhibitoires : il sera difficile d’apporter une grande amélioration au boîtier du Freebox Server qui doit rester connecté en permanence à Internet, ne serait-ce que pour téléphoner. Pour le moment, seuls des conseils d’utilisation sont possibles ( éteindre le Wi-Fi sur certaines plages horaires, mettre le disque dur en mode basse consommation lorsqu’il n’est pas utilisé ).
Quels sont les prochains objectifs de Free ? En ce qui concerne la Freebox v6, la phase de développement qui s’amorce permettra d’offrir de nouvelles fonctionnalités. A l’échelle de l’entreprise Free, l’achat de fréquences pour la licence 4G sont en négociation en vue du futur service de téléphonie mobile. Sans oublier le déploiement en cours de la fibre optique chez les clients.
Interview & rédaction : Stéphanie Ouillon et Aurore Ombredane
Correction : Lorenz Gandon